Scénographie de l’écriture

Par Estelle Ingrand-Varenne
Publication en ligne le 10 janvier 2022

Texte intégral

1La présence d’inscriptions dans un cloître au Moyen Âge est assez commune, qu’elles trouvent place au sol ou au mur. De nombreux cloîtres médiévaux proposent un discours sur la mort et la communauté, sur la mémoire et la prière. Une des fonctions fondamentales de ce lieu est en effet liée à l’inhumation des membres de la communauté et d’un certain nombre de riches familles laïques bienfaitrices qui s’y rattachent, la familia du chapitre. Cette destination funéraire des cloîtres augmente entre le xiie et le xiiie siècle pour prendre un essor remarquable à l’époque gothique. L’originalité de l’ensemble de Roda réside donc ailleurs. En premier lieu, dans la concentration d’un très grand nombre de textes, plus de 230, par rapport à d’autres ensembles connus de la même région (cloître d’Elne, de Saint-Bertrand-de-Comminges, cloître disparu de la cathédrale de Toulouse etc.), mais pas seulement. Dans le numéro des Cahiers Saint-Michel de Cuxa consacré au cloître roman paru en 2015, Quitterie Cazes s’interroge dès l’introduction : Pourquoi toutes ces images1 ? L’historienne de l’art pointe là le développement de la sculpture figurée sur les chapiteaux, à l’instar du cloître de Moissac pour n’en citer qu’un. Au sein de l’ensemble aragonais, les représentations visuelles figuratives se font rares au contraire2 ; les chanoines n’ont pas choisi de faire de ce lieu le support d’un programme iconographique, mais un objet d’écriture. Notre question est donc : pourquoi tous ces écrits ? Par ces centaines d’inscriptions, certes ajoutées au fil du temps, l’aire claustrale se donne à voir uniquement comme un lieu d’écriture, et d’écriture exposée. C’est là sa première singularité.

2L’originalité du site réside, en deuxième lieu, dans l’unicité et l’exclusivité du discours. Car si l’image est absente, la narration est bien présente, mais focalisée uniquement sur la commémoration des morts. La communauté se raconte à travers ses défunts, qui finissent par devenir bien plus nombreux que les chanoines vivants ; elle dit par là-même son riche passé et construit un narratif qui la met en valeur. Pourtant, le cloître médiéval est un espace multifonctionnel, non seulement de passage, répondant aux besoins de la vie quotidienne pour les chanoines, mais aussi de méditation et de réflexion, refuge à l’abri du monde, ainsi que d’enseignements et d’expression des idéaux de la communauté dans le monde monastique, dont les images sculptées sont parfois l’écho. Il ne présente pas un discours homogène, articulé et continu, mais plusieurs discours en même temps3. Or, Roda montre l’inverse : une écriture presque univoque et répétitive sur la mort, liée à la liturgie des défunts, la représentation de l’histoire de la communauté et de ses proches par un discours continu et embrassant, qui remplit tout l’ensemble de l’enceinte claustrale (du moins telle qu’on peut la voir aujourd’hui, résultat de l’agrégation successive des inscriptions). Un tel discours épigraphique est en parfaite harmonie avec le schéma architectural, régulier du cloître. Le seul contrepoint à ce ressassement litanique est la singularité due aux multiples variations de chaque inscription.

3La troisième originalité, que nous proposons de développer, est la scénographie épigraphique mise en œuvre dans le cloître. Comment le lisible est-il donné à voir ? Quelle est sa mise en scène, qui est une mise en matière, une mise en lumière et une mise en volume ? Car c’est bien de représentation dont il est question. Le choix des supports jouant un rôle architectural précis à l’intérieur de cet espace est peu habituel, tout comme le résultat global de cette scénographie, et leur analyse permettent de mieux comprendre le discours propre au théâtre épigraphique rodanien.

L’écriture-ciment de l’arcade

4Obnubilée par la sculpture et fascinée par les images, la recherche s’est moins penchée sur l’architecture des cloîtres médiévaux, en raison sans doute aussi de la simplicité des solutions et de la standardisation des implantations4. Pourtant, la compréhension de l’ensemble épigraphique de Roda passe par une attention précise à sa localisation au sein de la structure de pierre. Le cloître est de forme rectangulaire ; il comprend 11 arcades au nord et au sud (sur 15,5 m de long), 8 à l’est et à l’ouest (sur 11,8 m), ainsi que 5 pour la salle du chapitre à l’est. On ne peut dire qu’une galerie a davantage fonction funéraire qu’une autre, comme c’est parfois le cas pour la galerie septentrionale voire occidentale, car les quatre sont concernées. S’il y a certes une vingtaine d’inscriptions dans la paroi nord et quelques-unes au sud (notamment celle de l’évêque), ce ne sont pas les murs qui ont été choisis comme espace principal de l’écriture. Ces textes encastrés dans les murs conjoints de l’église ou du réfectoire ne représentent que 10 % du total des inscriptions, quoique le support mural offre la surface la plus vaste. C’est au contraire à l’opposé de la galerie, sur la partie ouverte, transition entre le monde minéral du bâti et le monde végétal du jardin, exposée à la lumière et aux intempéries puisqu’il est à ciel ouvert, qu’ont été gravés près de deux cents textes funéraires.

5Là encore, au sein des arcades, ce ne sont ni les colonnes, ni les corbeilles des chapiteaux qui reçoivent l’écriture – alors qu’ils constituent l’objet de tous les regards lors du parcours des quatre galeries d’autres édifices – mais seuls certains éléments architecturaux : le sommier et le tailloir. Le sommier est la première pierre de l’arc ; c’est le claveau qui repose directement sur l’élément vertical de la structure porteuse. À Roda, l’épaisseur de l’arc est telle que deux claveaux composent cette assise. 107 inscriptions sont ainsi placées sur les sommiers. Le tailloir, quant à lui, est la partie haute du chapiteau sur laquelle repose l’arc. 52 inscriptions y sont gravées.

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6En faisant ainsi, ces deux éléments du bâti se trouvent reliés l’un à l’autre, comme cimentés par l’écriture. C’est sans doute là un des effets graphiques les plus originaux. Le regard du spectateur, habitué à se poser sur les formes végétales ou figurées de la corbeille après avoir remonté la colonne, est invité à s’élever vers des parties plus inattendues pour l’écriture. La mémoire des morts n’est pas au sol, sous les vivants, comme il est habituel lorsque les tombes forment le dallage, mais au contraire au-dessus d’eux.

7Allons plus loin : le regardeur est en réalité invité à pénétrer l’épaisseur de l’arc, car c’est essentiellement sur la surface intérieure de l’arcade, en d’autres termes l’intrados, que sont inscrits les dates de décès et les noms des défunts.

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8Cet espace de l’intrados, s’il est rarement utilisé et orné dans un cloître, peut faire l’objet de décor dans l’église. L’intrados de l’arc triomphal de l’église Saint-Hilaire de Poitiers montre les peintures des signes du zodiaque légendés avec leur nom et le nom du mois auxquels ils sont associés. Lorsqu’elle est peinte, l’Occupation des mois est en effet un thème qui prend fréquemment place à l’intrados de l’arc triomphal, marquant la limite entre la nef et le chœur, ou d’un arc doubleau de l’abside. On trouve ce motif dans les peintures réalisées vers 1100-1110 pour le Panthéon des rois de San Isidoro de León, sur l’intrados de l’arc séparant la Majestas Domini et le Christ de l’Apocalypse. De manière générale, le thème des calendriers connaît un grand succès aux xiie-xiiie siècles et de nombreux calendriers monumentaux avec le cycle des travaux des mois sont sculptés dans la pierre, peints sur les murs et les vitraux, ou représentés sur les mosaïques de pavement. Dans l’abside de la crypte côté nord de la cathédrale de Roda de Isábena, un cycle peint autour de 1170 montre les Occupations des mois alternant avec les signes du Zodiaque.

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9Par ailleurs, les représentations visuelles des travaux des mois pouvaient prendre place dans le carré claustral, à l’instar du cloître de Santa Maria de l’Estany en Catalogne (galerie occidentale). Il n’est pas anodin que ce soit une structure architecturale liée au déroulement du temps cyclique qui ait été choisie pour garder la mémoire des défunts, dont la mort est essentiellement indiquée par le jour et le mois, selon la formule obituaire. La forme semi-circulaire de l’arc rappelle la voûte céleste ; l’arcade devient alors un lieu doublement adéquat pour inscrire les noms des défunts, car cela revient à les inscrire dans le temps cyclique mais aussi, par projection, dans les cieux.

10Parmi les ensembles de bâtiments monastiques et canoniaux, et des édifices ecclésiaux de la région, les choix graphiques de Roda sont innovants. L’arc et l’arcade (avec le sommier, le tailloir et l’intrados) sont mis en valeur, et partant, le rôle de l’inscription dans l’articulation des espaces.

Parcours et seuil de lecture

11Lire l’intérieur de l’arcade a pour effet de mettre les colonnes les unes derrière les autres, en enfilade, donc de les cacher.

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12Tout reste cependant accessible à la lecture, il n’est nul besoin de faire le tour (une seule inscription de la galerie nord se trouve sur la face extérieure du mur, tournée vers le jardin). En revanche, deux niveaux d’interaction entre les textes apparaissent : le premier est l’arc qui met les textes face à face, comme en miroir, les pierres se renvoyant la lumière. Cette unité de l’arcade est d’ailleurs celle que nous avons choisie de façon pragmatique sur le terrain pour localiser les inscriptions, en les numérotant de manière suivie par arc. Un arc accueille en moyenne six textes. Le second niveau est lié à la force inverse qui s’exerce à partir du pilier. De ce point de vue, si l’on prend la pile comme unité, les textes sont au contraire placés dos à dos. L’écriture sur ces deux éléments architecturaux différents cimente en quelque sorte les deux parties, les deux dynamiques, verticale et courbe, et lisse la jonction. Un dialogue entre piliers et arcatures se noue, arcade après arcade, galerie après galerie. La notion de circuitus, circulation, souvent associée à l’espace claustral, s’étoffe en prenant un sens nouveau : celui de parcours de lecture, guidé par la dynamique des forces architectoniques des supports d’écriture.

13L’écriture à l’intérieur de l’arcade se situe entre la galerie couverte et le jardin ouvert. Cet effet de seuil est récurrent dans la documentation épigraphique ; l’inscription s’imprègne des formes, les épouse, souligne les lignes de force, ce qui renforce son sens et son implication dans le lieu où elle est inscrite et où elle agit. Elle fait réellement corps avec l’objet ou le monument : non seulement par la matière, mais aussi par sa ligne, sa souplesse d’adaptation. L’écriture, à Roda, occupe un espace qui est tant liminaire que transitif, rappelant le transitus même de la mort et de la tombe. Tout l’enjeu est justement pour les défunts de passer d’un lieu à un autre, grâce à la promesse d’un paradis futur dont l’arcade est la lisière. Le jardin du cloître préfigure, en effet, l’Éden dans la pensée médiévale, comme Hugues de Fouilloy, Sicard de Crémone ou encore Guillaume Durand ont pu le développer. Ce dernier rappelle dans le Rationale des divins offices (l. I, c. 1, § 43) que le cloître est le symbole du paradis où tous les élus vivront avec un seul cœur. Sommiers et tailloirs s’offraient donc comme les dispositifs les plus appropriés pour les chanoines : pouvait-on avoir son nom gravé plus proche, métaphoriquement, du paradis ? Guillaume Durand relève aussi l’unité, « un seul cœur », et les historiens ont rappelé que l’inhumation dans les galeries perpétuait la communauté des frères, de la même manière que la sépulture des dignitaires au sol dans la salle capitulaire, parlant même de cette réunion comme un « arbre généalogique de la famille spirituelle des moines »5 ; on pourrait dire la même chose de ces chanoines.

14Une inscription, aujourd’hui placée dans la galerie nord, donne directement sur le jardin (pour Frotinus de Beranui - d’après Duran Gudiol6 - mort le 4 des kalendes de décembre)7.

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15Ce défunt serait-il déjà au paradis ? Ou encore mis à part de la communauté, étant donné que ni son statut de chanoine, ni son rang ecclésiastique n’est mentionné ? Ce n’est certainement pas le cas, car cette pierre de petite taille semble davantage être en remploi. En revanche, il faut souligner que certains textes sont tournés vers l’intérieur de la galerie, et en quelque sorte à contre-jour, et ne bénéficiant jamais d’un éclairage direct. Dans la galerie ouest, deux chanoines du nom de Pierre (O22 et 29 : Petrus, mort le 2 des ides de novembre et Petrus, mort le 7 des kalendes de février) sont commémorés sur des pierres de forme triangulaire, insérées entre deux arcs, des écoinçons.

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16Le texte est complet et les traces de réglures reproduisent ce triangle, preuve qu’il s’agit bien de la forme originale du support. Néanmoins, les cassures près des réglures du côté gauche sont aussi l’indice d’un ajustement, peut-être d’un déplacement. Quelle que soit l’histoire même de cette pierre, c’est encore l’arc qui est mis en évidence et le rôle de soudure de l’écriture qui peut être perçu. La dérogation à l’habitude d’écriture sur les chapiteaux et les arcades montre la souplesse et l’inventivité des chanoines, mais pose aussi question : pourquoi aller chercher ces pierres triangulaires ? Est-ce faute de place ? Ou lié au défunt lui-même ? Tout en les incluant dans la dynamique des arcades, leur emplacement les isole aussi. Un autre dialogue architectural se noue ici, face au bâtiment du côté occidental.

L’écriture et l’unité architecturale

17Observons désormais plus en détail un ensemble dans la galerie septentrionale où se trouvent les inscriptions pour trois chanoines du nom de Pierre, dont les dates de décès sont le 14 des kalendes de septembre, le 12 des kalendes de mars et le 7 des ides de mars.

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18Les inscriptions respectent et mettent en valeur les unités architecturales. La plupart du temps, un élément = un texte. Ce choix n’est pas anodin et il faut là encore insister. L’image montre que le tailloir et le sommier offrent deux formats différents. Le premier propose une page rectangulaire horizontale. Les dimensions des tailloirs varient entre 50 et 67 cm de largeur (les plus larges étant ceux de la salle capitulaire) et 13-15 cm de hauteur. Cette longueur contraste avec la petite dimension du chapiteau qui est dessous. La surface du tailloir de ce côté est plane, alors qu’elle est sculptée sur le petit côté. Le champ d’écriture n’épouse pas la forme complexe et dentelée du tailloir, mais peut être réduit à un rectangle (voir l’analyse des tables d’attente). Celui-ci peut d’ailleurs être sur-creusé, ce qui forme un nouveau cadre. Le sommier, mesurant 21-31 cm de largeur par 20-35 cm de hauteur, a un format vertical. Les claveaux sont incurvés. La largeur du claveau est deux fois plus petite que celle du tailloir ; ainsi deux claveaux sont soutenus par le tailloir et deux inscriptions sont côte à côte, et reposent sur une autre inscription. Ajoutons à ces formes, celle triangulaire évoquée plus haut. L’état actuel du cloître renforce cette impression d’unité, car chaque inscription est indépendante de sa voisine. Dans une même arcade, les styles et techniques d’écriture varient, tout comme les formules et abréviations utilisées dans le texte, ainsi que l’état de dégradation de la pierre. Chaque texte et support semble avoir sa propre histoire.

19Le bloc de pierre constitue donc un espace graphique unitaire, cohérent. Il offre des limites naturelles. Pour autant, de nombreuses inscriptions sont dans des cadres. Ceux-ci viennent redoubler, amplifier les limites de la pierre. Il est aussi utile, quand les inscriptions sont côte à côte et peuvent donner l’impression de répartir le texte sur deux colonnes ; il permet d’augmenter les frontières. 50 inscriptions comportent un cadre orné (soit près de 22 % du total), dont 45 sur les sommiers (on en trouve également 3 sur les voussoirs au nord, inscriptions 44, 46, 48), présentant un cadre avec des ornements simples, 1 inscription encastrée dans le mur de l’arcade nord (2), et 1 encastrée dans le mur sud (199). La répartition par galerie est la suivante : 14 au nord, 13 au sud, 5 à l’ouest, 18 à l’est (le chiffre comprenant aussi dans ce cas les cadres des arcades de la salle capitulaire). On peut donc dire qu’il y a une concentration dans l’axe nord-est, dans l’état actuel du cloître. À l’intérieur de chaque galerie, on ne constate pas en revanche de concentration, les inscriptions encadrées sont positionnées de façon très régulière. Les cadres ornés montrent non seulement une répartition équilibrée et un rythme visuel avec des jeux de face à face. Sur cette cinquantaine de textes mis en évidence, 35 sont attribués au “Maître de Roda”.

20Avant d’entrer plus en profondeur dans l’analyse, rappelons ce qu’est un cadre au Moyen Âge et en particulier dans la sculpture. Il ne s’agit pas d’un ajout à l’œuvre pour isoler le champ de la représentation de la surface environnante, pour reprendre les termes de Meyer Schapiro, manifestée par une bordure de bois, de métal, de marbre, un assemblage de pièces formant une armature, un châssis8. Pour le Moyen Âge, cet objet sémiotique n’est pas étranger au support, mais en fait partie. Il doit être pensé en deux temps de réalisation : comme action préparatoire, il programme et balise l’espace graphique, de même que les réglures pour les lignes ; comme finition, il est lui-même un espace à remplir par un décor et devient alors ornementation. Ces deux phases différentes sont particulièrement observables dans le cloître, car un certain nombre d’inscriptions présentent des cadres préparés, de dimensions semblables à celles ornées, mais qui n’ont pas été gravées. Elles ressemblent à des « pierres d’attente », des gravures non réalisées : par exemple les inscriptions 94, 130, 212 ; elles sont également attribuées au Maître de Roda.

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21Sur la pierre d’un autre chanoine nommé Pierre, mort le 12 des kalendes de mars, dans la même galerie occidentale (64), le travail de finition a bien débuté mais est resté inachevé, un seul trait décoratif ayant été gravé dans l’angle supérieur gauche.

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22Si la forme habituelle du cadre est un carré (voire un rectangle), certaines sont plus originales et plus complexes, particulièrement dans la galerie orientale du côté de la salle capitulaire (2, 91, 139, 154, 171, 208, 220, 224, 226, 225, 223). Une autre située dans la galerie méridionale (118) porte de la peinture (ocre rouge) et non de la gravure et l’on peut se demander si celle-ci est contemporaine de l’inscription ou s’il s’agit d’un ajout postérieur. Le même phénomène est peut-être observable sur la pierre pour Arnaud dans la galerie septentrionale (45) : on reconnaît les formes de lettres habituelles du « Maître de Roda », mais l’ornementation du cadre – qui n’occupe d’ailleurs que la partie inférieure – est bien différente de celle des cadres attribués à ce sculpteur ; elle est beaucoup plus simple en termes formels (triangle, croix, végétal, roue) et semble davantage incisée que sculptée. Elle pourrait donc avoir été ajoutée par une autre « main ».

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23Un tel exemple pose une double question : la répartition des tâches et des compétences (gravure de l’écriture, gravure du décor), le phasage et la chronologie des étapes de sculpture9.

Un dispositif singulier au cœur d’une exégèse architecturale complexe

24Que déduire de l’agencement réfléchi des écritures de Roda ? Que sait-on tout d’abord de la signification qu’il revêtait pour les concepteurs et les continuateurs de cette pratique graphique, du rôle architectonique et symbolique de ces éléments du bâti, notamment à travers l’exégèse architecturale qu’ont proposée les auteurs médiévaux ? Comme l’a montré Mary Carruthers, les bâtiments conventuels, église et cloître, étaient des expressions très fortes de la rhétorique monastique, conçus pour servir d’instruments dans le travail de la memoria méditative ; l’architecture fournit un support à l’intérieur duquel la memoria peut opérer10. Dans le De claustro anime, œuvre rédigée au milieu du xiie siècle et qui connut un fort succès au Moyen Âge, le chanoine régulier Hugues de Fouilloy propose une réflexion sur l’idéal de la vie claustrale à partir de l’exégèse des parties du cloître11. Le livre III, intitulé De claustro spirituali, est une exégèse mystique de ce lieu, comparé au temple de Salomon et qui devient le symbole de l’édification spirituelle. Quelques années avant, Hugues de Saint-Victor y projetait l’arche de Noé (De arca Noe morali et De arca Noe mystica)12. Le cloître est donc un espace de projection, de symbolisme, et la métaphore architecturale sert de véhicule.

25Cette vision métaphorique de cet espace au cœur de la vie monastique et canoniale n’est pas restée uniquement dans les livres. Les religieux de l’église Saint-Jean-de-Latran à Rome pouvaient la lire et la méditer chaque jour sur le lieu lui-même dans l’aile sud, puisqu’une mosaïque de tesselles blanches sur fond bleu portait un poème en vers léonins qui en synthétisait plusieurs aspects : « (…) Que la forme du cloître soit pour vous une image pleine d’enseignement afin que brillent les âmes, que les mœurs soient éclatantes, et que soient affermis dans leur âme ceux qui deviennent chanoines ; qu’ils soient unis et se polissent comme les pierres entre elles (…)13 ». Plus proche, à Vaison-la-Romaine, dans le Vaucluse, dans le mur extérieur nord de la cathédrale, sous forme d’un bandeau de plusieurs mètres de long, une inscription réalisée au milieu du xiie siècle évoque à son tour le cloître14. Le sens précis des quatre hexamètres léonins reste assez obscur, l’auteur a joué avec les chiffres, les figures géométriques et les points cardinaux. Néanmoins l’expression « le nid quadrangulaire » (quadrifidum nidum) pour qualifier cet espace en fait un lieu confortable et protecteur, cercle devenu rectangle, mis en valeur par la rime ; il en va de même avec les termes « les veines des pierres » (lapidum venis) qui témoignent combien ces pierres étaient perçues comme vivantes et que l’image était aussi une réalité forte.

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26La colonne, par exemple, est l’objet de toutes les attentions des médiévaux. Ainsi, pour Hugues de Fouilloy, les éléments architecturaux comme la colonne avec ses quatre ordres, la base de colonne et ses trois types, ainsi que les quatre côtés du cloître servent de point de départ de la métaphore, mais il n’est jamais question de l’arc ni des arcades. La richesse symbolique de la colonne – élément hérité de l’Antiquité – est également commentée par les médiévaux à partir des textes bibliques (particulièrement les lettres pauliniennes où les apôtres sont dits « colonnes de l’Église », Ga 2, 9 et Eph 2, 19-20)15. Compilant des traditions plus anciennes, Guillaume Durand rappelle dans le premier livre du Rationale des divins offices (l. 1, cap. 1, § 43), que « dans le cloître il y a quatre murailles, qui sont le mépris de soi-même, le mépris du monde, l’amour du prochain et l’amour de Dieu ; et chaque côté a sa rangée de colonnes ; car le mépris de soi-même est suivi de l’humiliation de l’âme, de l’affliction de la chair, de l’humilité dans les discours et autres choses semblables ; la base de toutes les colonnes est la patience ».

27S’il est moins commenté et n’est pas l’objet explicite d’analogie, l’arc est néanmoins doublement mis en valeur à Roda car, en plus des textes qui y sont gravés, certains décors d’inscriptions reproduisent eux-mêmes des arcades. Ainsi, dans la galerie est, proche de la salle capitulaire, au moins quatre textes obituaires gravés sur les sommiers sont placés sous la figuration d’une arcade, parfois double ou triple (138, 154, 171 et 220). Les noms des chanoines et prêtres Arhald, mort aux environs des ides de janvier

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28et Guillaume, mort le 4 des nones de mars,

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29reposent sous des arcs supportés par des colonnes torses, tandis que Miro, du côté de la salle capitulaire, bénéficie d’une triple arcade.

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30Dans la galerie sud, l’inscription pour le chanoine nommé Baro, mort le 8 des ides de février (134) apparaît sous une série d’arcades avec une croix centrale et des éléments végétaux de chaque côté, figurant le cloître.

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31La colonne, via l’arcade, fait émerger un autre espace : l’intercolumnia, un espace qui est plein d’écriture. Cette duplication/réplication figurée entraîne un jeu d’emboîtement – une arcade accueille une arcade, elle-même sous l’arcade-voûte céleste – et d’écho en changeant d’échelle et de dimension.

32Ce décor évoque aussi les pages de manuscrits obituaires et fournit une nouvelle passerelle visuelle avec cet autre monde de l’écrit. Prenons l’exemple de l’épitaphe de Fulbert de Chartres, mort en 1028, dans un manuscrit de l’abbaye Saint-Père de Chartres (Ms. Chartres, B.M. Nouv. Acq. 4, folio 33 recto) : sous une arcade en plein cintre reposant sur deux colonnes l’inscription funéraire monumentale en lettres capitales s’impose comme un tumulus16. Cette mise en scène des noms des défunts, voire de leurs épitaphes, sous arcades se trouve dans d’autres manuscrits nécrologiques. Des arcades structuraient en effet la page et protégeaient la liste des noms de Libri memoriales comme ceux de l’abbaye de Saint-Gall, le Liber viventium de l’abbaye de Pfäfers ainsi que de nécrologes comme le Codex Guta Sintram des chanoinesses de Schwarzenthann17. Le dispositif des arcades laisse ensuite place à une structure simplifiée, celle du tableau, dans la quasi-totalité des manuscrits nécrologiques à partir des xiie-xiiie siècles18. C’est le cas du nécrologe de Pampelune si souvent lié à la réflexion sur le cloître de Roda. D’ailleurs, si l’on observe de près l’organisation du texte au sein de ces arcs, on constate que l’information est répartie en petites unités comme elle l’est dans les calendriers nécrologiques manuscrits. Les arcades organisant le texte des trois inscriptions s’inscrivent par conséquent dans la longue tradition de la commémoration des défunts remontant à l’époque carolingienne. Or, la représentation d’arcades supportées par des colonnes dans les manuscrits nécrologiques n’étaient pas une invention des rédacteurs des manuscrits nécrologiques, mais la reprise de l’organisation de la page des tables de concordance des quatre Évangiles, depuis celle d’Eusèbe de Césarée jusqu’à celles des évangéliaires carolingiens de Saint-Gall, Lorsch, Reims ou Metz19. Dans ce cas la métaphore architecturale introduit que le manuscrit est un lieu et un monument : le temple du Verbe (comme a pu le montrer Cécile Voyer20)21.

33Pour résumer de façon lapidaire et par un chiasme la situation rodanienne : la pierre rentre dans le livre et le livre rentre dans la pierre. Une juxtaposition du lieu-manuscrit et du lieu-cloître s’opère. Les arcades dans lesquelles prenaient place les trois inscriptions introduisaient aussi un jeu entre la mémoire commémorative et la mémoire dans son acception la plus large. Le Moyen Âge pensait en effet la mémoire comme cella, scrinium, arca dans lesquelles le savoir, divisé en petites unités faciles à mémoriser et à mobiliser, était conservé22. Les arcades, moyens mnémotechniques dans les manuscrits nécrologiques comme dans les inscriptions, rappelaient aussi au passant la raison d’être de l’inscription et le but de toute la communauté : la mémoire, porte d’accès au salut et fondement de l’Église ; et cette mémoire des défunts était inscrite dans l’antichambre voûtée qui préfigure le Ciel.

Conclusion

34Les centaines de textes obituaires du cloître aragonais, par leur brièveté et leur répétition, semblent nous dire bien peu de chose de prime abord. Néanmoins, la scénographie choisie par les chanoines de Roda pour garder et célébrer la mémoire de la communauté, répondre au souci de l’au-delà et aux exigences de rédemption, est très parlante. Elle a été pensée à l’échelle du cloître tout entier, c’est-à-dire comme un ensemble harmonieux touchant les quatre galeries, mais aussi comme un circuit fermé qui recommence inlassablement, à l’instar de la vision cyclique du temps qui y est affichée. Cette mise en scène initiale a été perpétuée et complétée par les membres de l’église-cathédrale au fil des siècles du Moyen Âge.

35Elle révèle une profonde herméneutique de l’architecture et des bâtiments liés à la vie canoniale, imprégnée directement ou non des théologiens et exégètes contemporains des xiie-xiiie siècles. Quatre éléments architecturaux en particulier – le sommier, le tailloir, et ainsi l’arc et l’intrados – font autant partie de la construction de l’aire claustrale que de la construction mémorielle, par l’écriture qu’ils portent. L’outil de commémoration, lié à la liturgie, qu’est l’inscription funéraire, trouve ici une place de choix : dans une arcade mimétique de la voûte céleste, au seuil du carré de jardin paradisiaque. Le dispositif épigraphique du cloître rodanien est tant un choix spatial que temporel et articule habilement les deux. Ce lieu de passage continu et cette écriture continue permettent de perpétuer le souvenir des défunts, d’assurer le salut de leur âme par la prière continue des vivants.

36Le cloître propose en même temps un parcours narratif. La continuité scénographique pendant trois siècles et l’accumulation des strates, que ce soit par vague ou de façon régulière, avec ou sans l’indication du millésime, font récit. Ce récit est fait d’un même événement répété – la mort que marque le verbe au parfait obiit – mais toujours singulier et jamais isolé. Il trouve son articulation dans l’agencement architectural qui crée le liant. Contrairement aux cloîtres qui, par la sculpture, déploient le récit biblique et en particulier celui des évangiles, ou l’histoire des saints, l’aire claustrale de Roda montre la narration d’une communauté qui s’inscrit dans l’histoire de l’Église et l’histoire du Salut.

Notes

1 Cazes, Quitterie, « Le cloître à l’époque romane, monde rêvé, monde vécu », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLVI, 2015, p. 18.

2 Seuls deux chapiteaux au milieu de la galerie sud comportent des figures animalières (coq, âne, équidés etc.), ainsi que dans l’angle nord-ouest (oiseaux). Les motifs végétaux sont plus développés, sans être présents sur chacun des chapiteaux.

3 Lorés Otzet, Immaculada, « Sculptures, emplacements et fonctions des cloîtres romans en Catalogne », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLVI, 2015, p. 48.

4 Ce constat a été fait par Carlo Tosco notamment, « L’architecture des cloîtres : problèmes et méthodes », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLVI, 2015, p. 59.

5 Cazes, Quitterie, « Le cloître à l’époque romane, monde rêvé, monde vécu », Les Cahiers de Saint-Michel de Cuxa, XLVI, 2015, p. 11.

6 Durán Gudiol, Antonio « Las inscripciones medievales de la provincia de Huesca », Estudios de Edad Media de la Corona de Aragón, 1967, p. 104, n° 248.

7 Il y en a en réalité deux, mais la seconde est fragmentaire, il ne peut donc pas s’agir de son emplacement d’origine.

8 Schapiro, Meyer, « Sur quelques problèmes de sémiotique de l’art visuel : champ et véhicule dans les signes iconiques », dans Style, artistes et Société, Paris, Gallimard, 1982, p. 13-14. Nous nous permettons également de renvoyer le lecteur à notre article : Ingrand-Varenne, Estelle, « Inscriptions encadrées/encadrantes : de l’usage du cadre dans les inscriptions médiévales », Apta compositio. Formes du texte latin au Moyen Âge et à la Renaissance, ed. Christiane Deloince-Louette, Martine Furno et Valérie Méot-Bourquin, Genève, 2017, p. 69-90.

9 À ce sujet, voir les réflexions de Thierry Grégor dans cette même livraison.

10 Carruthers, Mary, Machina memorialis : méditation, rhétorique et fabrication des images au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2002, p. 283 et 319.

11 Patrologie latine, t. 176, col. 1017-1184. Voir l’étude plus générale de Bauer, Gerhard, Claustrum animae. Untersuchungen zur Geschichte der Metapher vom Herzen als Kloster, Band I: Entstehungsgeschichte, München, Fink, 1973.

12 Voir l’étude de Rudolph, Conrad, The Mystic Ark: Hugh of Saint Victor, Art, and Thought in the Twelfth Century, Cambridge, Cambridge University Press, 2014.

13 Claustri structura sit vobis docta figura / Vt sic clarescant animae, moresque nitescant / Et stabiliantur animo qui canonicantur / Vt coniunguntur lapidesque sic polliuntur (Peter Cornelius Claussen, Darko Senekovic, Die Kirchen der Stadt Rom im Mittelalter 1050-1300, vol. 2, Steiner, 2002, p. 262-263 ; l’inscription fragmentaire a été restaurée, mais de manière fautive, voir la lecture faite au xvie siècle : O. Panvinio, De praecipuis Urbis Romae sanctioribusque basilicis quas septem ecclesias vulgo vocant liber, Romae, Bladius, 1570, p. 136).

14 CIFM 13, Vaucluse 78, p. 199-201 : Obsecro vos fratres Aquilonis vincite partes / Sectantes claustrum quia sic venietis ad Austrum / Trifida quadrifidum memoret succendere nidum / Ignea bissenis lapidum sit ut addita venis. / Pax huic domui. (la formule liturgique finale n’est pas versifiée). Traduction : Je vous en prie, frères, triomphez du parti de l’Aquilon, en suivant le cloître car ainsi vous parviendrez au Midi. Que la Trinité se souvienne d’embraser le nid quadrangulaire, que sa flamme vienne s’attacher aux douze veines des pierres. Paix à cette demeure.

15 Bandmann, Günter, Mittelalterliche Architektur als Bedeutungsträger, Berlin, Gebr. Mann, 1951, p. 76 ; Sauer, Joseph, Symbolik des Kirchengebäudes seiner Austattung in der Auffassung des Mittelalters : Mit Berücksichtigung von Honorius Augustodunensis Sicardus und Durandus, Freiburg, 1924, p. 134. On verra aussi l’article de Vergnolle, Éliane, « La colonne à l'époque romane. Réminiscences et nouveautés », Cahiers de civilisation médiévale, t. 162, 1998, p. 141-174, et de Debiais, Vincent, « Savoir-faire technique et pratique de l’écrit : les signes lapidaires de Saint-Yrieix », Les chapitres séculiers et leur culture. Vie canoniale, art et musique (VIe-XIIIe siècle). Actes du colloque de Limoges, Saint-Yrieix, Poitiers (18-20 juin 2009), Limoges, 2014, p. 405-418.

16 Méhu, Didier, « Constructions de mots, de figures et de pierres : L’exemple de la cathédrale de Chartres au temps de Fulbert », Ad libros ! Mélanges d’études médiévales offerts à Denise Angers et Joseph-Claude Poulin, Montréal 2010, p. 83-103.

17 Rück, Peter, « Beiträge zur diplomatischen Semiotik », Graphische Symbol in mittelalterlichen Urkunden. Beiträge zur diplomatischen Semiotik, dir. Peter Rück, Sigmaringen, p. 13-48, ici p. 20 ; Crivello, Fabrizio, « Bemerkungen zum künstlerischen Schmuck der St. Gallen Verbrüderungsbücher », Die St. Gallen Verbrüderungsbücher, dir. Dieter Geuenich, Wiesbaden, 2019, p. 33-43.

18 Rauner, Anne, Ce que les morts doivent à l’écrit. Documents nécrologiques et système documentaire de la memoria au bas Moyen Âge (diocèse de Strasbourg), thèse sous la direction de Benoît Tock, Université de Strasbourg, 2020, p. 162.

19 Crivello, op. cit., p. 33-43.

20 Voir à ce sujet les réflexions développées par Cécile Voyer dans son habilitation à diriger les recherches : Voyer, Cécile, De pourpre et d'or, mémoire inédit d’HDR en histoire de l’art, Université de Poitiers, 2014.

21 Je remercie Anne Rauner pour un certain nombre des remarques de ce paragraphe qui sont de sa plume. Voir les réflexions qu’elle propose dans cette même livraison sur les liens précis (de ressemblance et dissemblance) avec le manuscrit.

22 Carruthers, Mary, Le Livre de la Mémoire. Une étude de la mémoire dans la culture médiévale, Paris, 2002 p. 7 et p. 29-74.

Pour citer ce document

Par Estelle Ingrand-Varenne, «Scénographie de l’écriture», In-Scription: revue en ligne d'études épigraphiques [En ligne], Livraisons, Quatrième livraison, mis à jour le : 18/11/2021, URL : https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr:443/in-scription/index.php?id=435.

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