- Accueil
- > Livraisons
- > Quatrième livraison
- > Avant-propos
Avant-propos
Par Vincent Debiais
Publication en ligne le 10 janvier 2022
Texte intégral
1En 2016, Garth Davis réalise le très beau film Lion ; une histoire magnifique, de grands acteurs, des paysages spectaculaires aux confins de l’Inde et du Bangladesh. Un film sur l’identité ; celle d’un petit garçon indien, adopté par une famille néo-zélandaise ; un enfant qui grandit et qui décide à l’âge adulte de chercher d’où il vient, de découvrir qui il est. Une histoire humaine, belle et triste à la fois. Ce petit garçon, Saroo - “Lion” en hindi - s’est perdu une nuit à bord d’un train et se retrouve après plusieurs jours de voyage très loin de chez lui, à Calcutta, une ville où personne ne comprend sa langue, où personne ne comprend son nom ni le nom de son village. Il survit d’un orphelinat à l’autre, affublé de ce nom bizarre, original, étrange, ce nom qui est pour Saroo le seul lien avec sa maison, mais un nom qui ne dit rien à personne. À la fin du film, le réalisateur révèle que le nom du héros est la raison de son errance puisque personne à Calcutta ne pouvait comprendre l’identité du petit garçon, prononcée dans un autre idiome, sans écriture, sans document, sans racine.
2Calcutta se trouve, d’après Google Maps, à 9813 kilomètres de Roda de Isábena, et Saroo naît environ 900 ans après la consécration de la cathédrale aragonaise ; on s’interrogera donc à bon droit sur la pertinence de cette mise en relation cinématographique contemporaine au seuil d’une recherche sur la documentation épigraphique du cloître de Roda. Au-delà de l’effet “vignette” ainsi obtenu par le télescopage de l’ancien et du contemporain, on retrouve pourtant dans Lion comme dans les inscriptions funéraires de Roda une même emphase anthropologique sur le pouvoir du nom, sur la force de l’identité et son rôle dans l’écriture de l’histoire de chacun. Indépendamment des systèmes graphiques, linguistiques ou religieux se nouent dans la pratique du nom l’ensemble des questions fondamentales quant à la définition de l’individu, de sa relation à la communauté, quant à la construction de la mémoire, quant à l’hypothèse d’une persistance sous forme de trace. Il s’agit donc de garder en tête l’épaisseur anthropologique de ces réflexions au moment d’aborder au prisme de l’érudition la collection exceptionnelle des inscriptions de Roda de Isábena.
Pour citer ce document
Droits d'auteur

This is an Open Access article distributed under the terms of the Creative Commons Attribution License CC BY-NC 3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/3.0/fr/) / Article distribué selon les termes de la licence Creative Commons CC BY-NC.3.0 (https://creativecommons.org/licenses/by-nc/3.0/fr/)