Introduction au catalogue des inscriptions

Par Françoise Gay
Publication en ligne le 23 mars 2019

Texte intégral

1La collecte des inscriptions figurant dans ce catalogue s’est étalée sur de longues années. Lorsque notre recherche a démarré, il n’existait aucun corpus conséquent (celui de la France médiévale n’en était qu’à ses débuts). Il fallait donc se reporter aux relevés partiels ou systématiques effectués par les antiquaires, historiens, historiens de l’art proposant des descriptions des monuments visités et des œuvres d’art découvertes. La bibliographie a été mise à jour dans la mesure du possible, les recensions épigraphiques des différents pays concernés étant loin d’être achevés. Ce catalogue n’a aucune prétention à l’exhaustivité ; il est le reflet documentaire des réflexions proposées dans les trois parties de l’article « Il a parlé par les prophètes ». Sans doute découvrira-t-on encore des inscriptions pour Daniel et Isaïe, mais nous espérons néanmoins qu’aucun grand cycle ne nous a échappé. Signalons également qu’un nombre réduit d’inscriptions, signalées ou découvertes tardivement, n’ont pas été intégrées au catalogue, faute de documents permettant leur édition et leur analyse.

2On trouvera ici un certain nombre d’informations générales qui ont servi à l’élaboration de ce catalogue.

Quelques explications sur les versets ou les associations de versets fréquents

Nombres XXIV, 17

3Ce passage des Nombres est mentionné dans la liturgie de l’Avent, la Nativité et l’Annonciation et est souvent cité dans les textes de la controverse avec les Juifs. Il apparaît pour la première fois dans le Drame d’Adam et introduira par la suite une longue séquence dans le Drame de Rouen.

Deutéronome XVIII, 15

4Cette citation très souvent mentionnée dans des inscriptions est reprise dans le Nouveau Testament (Actes VII, 33 ; Actes III 22), et figure aussi dans de nombreux textes de la controverse avec les Juifs. Elle est reprise dans tous les Drames liturgiques.

Isaïe VII, 14

5Ce verset est le plus cité parmi les inscriptions prophétiques répertoriées ici. Matthieu (I, 23) et Luc (I, 31) reprennent ce passage qui est évoqué dans les Actes des apôtres (VII, 32). Il fait partie de la liturgie de l’Avent, de la Nativité, de l’Annonciation et des offices de la Vierge. On retrouve aussi cette citation dans la plupart des textes de la controverse entre Chrétiens et Juifs, et sur le phylactère d’Isaïe de la planche XIV de l’Hortus Deliciarum. Ce verset est cité dans tous les Drames de la Nativité. Depuis les débuts du christianisme, ce verset était interprété différemment par les Juifs et les Chrétiens : les uns y voyaient l’annonce du roi Ézéchias comme le constate Justin dans le Dialogue avec Tryphon, et les autres celle de la venue du Christ1. Certains se sont indignés en constatant que, dans le livre d’Isaïe, il ne s’agissait pas de la naissance du Messie, mais de celle d’Achaz ; pourtant, c’est dans l’Évangile de Matthieu que ce verset est utilisé pour la première fois pour annoncer la naissance du Christ. Le terme Virgo a également été discuté ; dès le ive siècle, il a été intégré au Credo. Traduit habituellement par « vierge », il signifie « jeune femme », expression que les traductions modernes ont adoptée.

Isaïe XI, 1

6Ce texte est répertorié une dizaine de fois dans notre relevé ; il est cité souvent dans la liturgie de l’Avent, de l’Annonciation, de la Nativité de la Vierge. Il fait partie des citations fréquemment utilisés par les auteurs de sermons ou lettres exposant la doctrine chrétienne aux Juifs. Cette citation apparaît dans les Drames liturgique avec le Drame d’Adam. C’est à partir de cette phrase que s’est élaboré au cours du xiie siècle le thème iconographique de l’Arbre de Jessé.

Baruch III, 36-38

7Les versets 36-38 de Baruch III sont repris dans l’Évangile de Jean (I, 4). Ils sont cités dans le Sermon de Quodvultdeus et figurent très souvent dans les textes de la controverse avec les Juifs. La formulation n’est pas toujours celle de la Vulgate : on trouve à plusieurs reprises la fin du verset formulée non aestimabitur alius absque illo. C’est la formulation que l’on trouve chez Cyprien et Lactance.

Ézéchiel XLIV, 1

8Ce verset est cité dans quelques textes de controverse avec les Juifs. La référence à la porte du temple fermée est souvent utilisée pour évoquer la maternité virginale de Marie. Dans quatre ensembles épigraphiques, nous trouvons le texte simple : Vidi portam in domo Domini clausam. Ce même texte figure sur la planche XIV de l’Hortus Deliciarum. Cette phrase figure pour la première fois semble-t-il dans un sermon d’Augustin pour l’Annonciation et a été intégrée par Innocent III à l’Ordo pour la célébration de l’Annonciation2.

Ézéchiel XLIV, 2

9Ce verset est utilisé de la même façon que le précédent. La liturgie le reprend dans l’octave de la Nativité et pour l’Annonciation.

Daniel IX, 24

10Comme on le constate aisément, ce verset dans les inscriptions et dans la Bible sont non seulement différents, mais ils ont également des significations contraires. Depuis le xixe siècle, et surtout depuis la publication du livre d’Émile Mâle, L’art du xiie siècle en France, on sait que ce texte souvent présenté par Daniel dans les œuvres du Moyen Âge et inspiré de Daniel IX, 24 est une phrase figurant dans le Drame liturgique de la Nativité, dont le titre exact est d’ailleurs l’Ordo prophetarum. Il a également été démontré qu’avant l’apparition de ce Drame, on lisait dans les églises un texte longtemps attribué à Augustin, mais désormais attribué à Quodvultdeus, le Sermo contra Judeos, Paganos et Arianos, qui a été dialogué avant de devenir un mystère de Noël3. Il subsiste un certain nombre de documents témoignant de cette pratique, dans les textes de plusieurs de ces drames et dans les inscriptions médiévales.

Osée XIII, 14

11Ce texte ne se retrouve pas exactement dans les traductions récentes de la Bible mais correspond au passage de l’Épitre de Paul (I Cor XV, 55) et est utilisé dans la liturgie du Samedi saint. Ce verset serait une menace de Dieu et non l’assurance d’être sauvé, contrairement à la façon dont il est évoqué dans l’épître et dans les inscriptions.

Habacuc III, 2

12Dans un autre passage du Sermo de Quotvultdeus, on lit à la fin du témoignage d’Habacuc : In medio, inquit, duum animalium cognosceris. Il est représenté sur les peintures disparues et peu connues de la cathédrale de Salisbury, et nulle part ailleurs à notre connaissance. Ce passage ne figure pas dans la Vulgate, mais dans la traduction des Septante, et a été citée par de nombreux Pères des premiers siècles, dont Augustin qui donne la même explication que celle du Sermon. Dans le sermon de Quodvultdeus, le témoignage d’Habacuc est rapproché d’une citation d’Isaïe appliquée à la naissance dans la crèche : …agnovit bos possessorem suum et asinus praesepe domini sui(Isaïe I, 3)4. L’auteur explique ensuite que les deux animaux peuvent évoquer les deux Alliances, les deux larrons ou Moïse et Elie parlant avec le Christ sur la montagne5. Le témoignage d’Habacuc se trouve aussi dans les drames de Limoges, Laon, Salerne, le Mystère d’Adam et le drame de Rouen. Cette citation figure dans l’antienne Audivi auditum tuum et timui, phrase prononcée par Habacuc dans le Sermon et reprise dans plusieurs drames et dans la liturgie6.

Aggée II, 8

13Ce texte fait partie de la liturgie de l’Avent et est cité dans quelques écrits participant à la controverse entre Chrétiens et Juifs. On le retrouve sur le phylactère d’Aggée de l’Hortus Deliciarum (planche XV). Le choix assez fréquent de ce verset dans des cycles évoquant la Nativité remonte peut-être à Augustin ; lorsqu’il rédige La Cité de Dieu, il utilise la Bible en hébreu et le texte des Septante ; il cite la version hébraïque en donnant une interprétation christique de ce verset, comme le signale A.-M. La Bonnardière7.

Bibliographie

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Répertoire

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Sources

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Répartition villes. © Alain Giret (voir l’image au format original)

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Répartition archéologie. © Alain Giret (voir l’image au format original)

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Tableau archéologie. © Alain Giret (voir l’image au format original)

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Croquis Bury (voir l’image au format original)

17.

Notes

1 Cité par Pierre Prigent, Justin et l’Ancien Testament, Paris, 1964, p. 144.

2 Augustin, Sermo CXCV, PL XXXIX, col 2107.

3 Sermo sancti Augustini in natali Domini, PL XLII, col 1124 et suivantes ; Sépet « Les prophètes de Christ, études sur les origines du théâtre au Moyen Âge », 1877, p. 397 ; Durand, « Monuments figurés du Moyen Âge d’après les textes liturgiques », 1888, p. 137-139 ; Mâle, L’Art religieux, 1966.

4 Sermo contra Judaeos, Paganos et Arianos, PL XLII, col. 1124.

5 Augustin, De Civitate Dei, PL XLI, col. 588.

6 Hesbert, Corpus antiphonalium Officii, 1963-1979, vol. 3, n° 2326 : Domine, audivi auditum tuum et timui.

7 La Bonnardière, « Les petits prophètes dans l’œuvre de saint Augustin », Biblia Augustiana, Ancien Testament, fascicule 24, 1963, p. 341-372.

Pour citer ce document

Par Françoise Gay, «Introduction au catalogue des inscriptions», In-Scription: revue en ligne d'études épigraphiques [En ligne], Deuxième livraison, Livraisons, mis à jour le : 07/04/2021, URL : https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr:443/in-scription/index.php?id=321.