Histoire et préhistoire des « jeux de lettres »

Par Carlo Tedeschi
Publication en ligne le 01 mars 2022

Texte intégral

1Récemment, quelques études ont mis l’accent sur le rôle des jeux de lettres1 dans la culture écrite du Moyen Âge occidental. Le phénomène, on le sait, concerne aussi bien les écritures épigraphiques que les écritures libraires dites « d’apparat » ; sa diffusion, qui débute avant l’époque carolingienne, se poursuit et atteint son apogée à l’époque romane, entre le xie et le xiie siècle ; son enracinement et son développement, étudiés principalement pour ce qui concerne l’aire franque, sont également observables dans d’autres aires géoculturelles, telles que les îles britanniques, la péninsule ibérique, la Croatie, et l’Italie septentrionale et centrale. Sur le continent, les attestations les plus anciennes de ce phénomène remontent à la fin du viie siècle, dans des manuscrits et des épigraphes mérovingiens et italiens septentrionaux ; elles sont plus ou moins contemporaines de celles des manuscrits insulaires (ou avec quelques décennies de retard).

2Il s’agit, comme l’ont très bien montré P. Stirnemann et M. Smith2, « d’un mode de pensée éloigné de l’écrit gréco-romain, où l’on utilisait les traits de plume exclusivement pour transmettre des signes équivalant à des sons, confiant par là au discours seul, à la rhétorique et à la dialectique, le soin de ravir l’esprit ». Le goût qui a conduit à l’adoption de cette modalité d’écriture se propagerait donc par contraste avec celui de la culture classique, basée sur le principe de domination de la rationalité. Un goût qui représente bien les sociétés du haut Moyen Âge et les valeurs théocentriques sur lesquelles elles sont fondées.

Vers une périodisation du phénomène

3Dans la longue histoire des jeux de lettres, il faut avant tout tenter d’établir une périodisation. Sur la base des (quelques) études disponibles, il semble que l’on peut distinguer grossièrement trois phases principales : l’époque précarolingienne, qui correspond aux viie-viiie siècles ; l’époque dominée par la culture carolingienne qui, à partir du dernier quart du viiie siècle, s’étend à tout le ixe et même au xe siècle ; et enfin l’époque romane, correspondant aux xie-xiie siècles.

4Au cours de la première période, du moins en ce qui concerne les témoignages continentaux, l’écriture présente des conjonctions, des entrelacs et des enclavements de lettres en nombre plutôt limité et de complexité modeste. Pour l’Italie, certains exemples rapportés par Nicolete Gray3 dans son essai de 1946 montrent une adhésion substantielle au langage de l’Antiquité tardive, avec des conjonctions qui concernent des lettres aux traits terminaux et initiaux constitués d’hastes, selon une modalité typique de l’épigraphie romaine, et qui ne subvertissent pas la morphologie des signes graphiques. Au nord des Alpes, un cas intéressant est celui des deux inscriptions d’Yverdon-les-Bains et de Lausanne4, dans lesquelles on a reconnu une filiation directe de modèles luxoviens, ayant à leur tour pu subir des influences insulaires5. On peut leur associer d’autres épigraphes de l’aire du Rhin moyen, à Mayence6 et Worms7, comme l’a fait w. Koch8, mais peut-être aussi à Bingen9 et, un peu plus à l’ouest, à Trèves10. Les caractéristiques des deux épigraphes helvétiques ont été décrites par Walter Koch11 : fourches marquées de traits verticaux et horizontaux ; formes angulaires des lettres courbes (c, o, s en forme de z inversé) ; le a avec ou sans trait supérieur de couronnement et avec une barre transversale anguleuse qui atteint parfois la ligne d’écriture ; lettres enclavées ; conjonctions me, ne, nc (avec un c carré), ub. Du point de vue de la mise en page, on observe l’habitude de disposer l’écriture dans une « grille » faite d’une surface écrite bien définie et des lignes horizontales voyantes qui semblent s’inspirer à des modèles livresques.

5Il s’agit d’une mise en page et de formes graphiques représentées également entre la Neustrie méridionale et l’Aquitaine septentrionale. Il suffit de rappeler la célèbre inscription de Mellebaudis de Poitiers12, de la première moitié du viiie siècle et, dans le dernier quart du viiie siècle, celles d’Autbertus (a. 784)13, d’Agnomarus, datant de 77914 et de Mumlenau15, de la fin du siècle ; des inscriptions qui ajoutent aux caractéristiques déjà signalées pour la première moitié du siècle un élément non négligeable : la présence de jeux de lettres beaucoup plus complexes et sophistiquées. Non seulement les conjonctions, quantitativement plus nombreuses, impliquent souvent plus de deux lettres, mais on observe aussi fréquemment des lettres enclavées de module plus petit et quelques entrelacements de lettres, comme dans l’inscription d’Agnomarus, où le trait supérieur du s se superpose au deuxième trait du v. Quant à l’inscription de Bernardus découverte à Saint-Gaudens et conservée au Musée des Augustins de Toulouse16, extrêmement intéressante elle aussi du point de vue paléographique, elle ne peut pas être utilisée pour notre démonstration en raison des incertitudes qui pèsent sur sa datation17.

6En ce qui concerne les inscriptions et les écritures livresques d’apparat des ixe-xe siècles, l’introduction des formes graphiques de l’épigraphie classique ne semble pas interrompre le phénomène, mais semble au contraire le renforcer. Comme on a pu le remarquer, le goût graphique classicisant lié à la diffusion de l’idéologie et des exigences de propagande impériales vient se superposer et se mêler à la tendance anticlassique qui s’était manifestée au sein de la culture graphique précarolingienne à travers les jeux de lettres18. Les résultats de cette expérimentation sont observables dans des manuscrits et des inscriptions du ixe siècle et même du siècle suivant. Enfin, avec la période romane, les jeux de lettres entrent à part entière dans le goût et l’esthétique épigraphique dans toutes les régions de la Christianitas occidentale, de l’Europe centrale à la péninsule ibérique, l’Italie et la Dalmatie, donnant lieu à des solutions très variées.

L’origine des jeux de lettres

7Tout ceci est plus ou moins connu : malgré l’absence d’une bibliographie spécifique, on le déduit d’une consultation croisée des corpora épigraphiques et des études disponibles. Un problème qui, en revanche, n’a jamais été posé est celui de la question des origines. À quoi peut-on faire remonter cette modalité particulière du traitement des formes alphabétiques ? Comme pour tous les phénomènes graphiques, le principe de cause à effet ne parvient pas à satisfaire notre curiosité, et tous ceux qui ont une quelconque familiarité avec l’histoire tortueuse de l’écriture latine ne s’attendent certes pas à trouver une réponse univoque.

8On pourrait, par exemple, penser, comme l’a fait Ildar Garipzanov lors d’un colloque qui s’est tenu à l’Institut norvégien de Rome19, à une influence exercée par les monogrammes qui commencèrent à se répandre dès la fin de l’Antiquité ; on pourrait recourir à l’éternelle tentation de chercher une réponse dans le « goût » ou « l’esprit » de l’époque, aussi suggestif qu’impalpable et donc relativement inutile comme catégorie historiographique. On pourrait enfin associer la genèse des « jeux de lettres » à l’histoire des influences variées exercées par la culture graphique insulaire sur les écritures continentales. Ce dernier argument avait été étudié il y a bien des années par Walter Koch20 qui, en ce qui concerne le domaine épigraphique, avait observé la présence indéniable d’éléments insulaires dans la célèbre inscription d’Aldualuhus de Mayence, ainsi que dans des traces éparses, repérables surtout grâce aux différents exemples de lettres géométrisées (o en losange, c ct g carrées, s en forme de z inversé).

9Le phénomène des « jeux de lettres » a indéniablement connu un développement extraordinaire dans le domaine de la culture graphique insulaire et, en principe, on ne serait pas surpris par l’idée d’une influence insulaire sur l’enracinement continental du phénomène, à l’instar d’autres domaines d’influence déjà étudiés et pour lesquels le rôle de la culture insulaire a été démontré : on pense, par exemple, en ce qui concerne le domaine manuscrit, aux pages d’incipit et aux initiales entrelacées ; à la diffusion du système abréviatif des notae iuris21 ; à la propagation de l’espace entre les mots qui a été, à juste titre, mis en rapport avec les particularités de la culture insulaire22.

10Mais si la question du rôle possible des insulaires dans la diffusion des jeux de lettres sur le continent pourrait sans doute être abordée dans un parcours monographique, ce n’est pas le cas pour une brève présentation comme celle-ci ; pour l’instant, et même si le thème est vraiment séduisant, il est plus prudent de se contenter d’une hypothèse de travail, extrêmement suggestive mais non vérifiable sur la base des données connues.

11Sur la question des origines, un détail doit encore être mis en lumière. Il concerne un moment de l’histoire des « jeux de lettres » qui n’a pas encore été étudié, un moment situé hors du Moyen Âge et hors du territoire continental. Je voudrais en somme m’aventurer – pour reprendre le titre de cet article – dans la préhistoire plutôt que dans l’histoire des jeux de lettres, avec l’époque impériale dans la plus septentrionale des provinces romaines, la Britannia.

Les jeux de lettres de Britannia

12Dans la maigre bibliographie disponible sur les jeux de lettres, on peut remarquer la présence des conjonctions dans le cadre de l’épigraphie romaine23 ; toutefois, il a été observé à juste titre que celles-ci ne justifient pas l’emploi de l’expression « jeux de lettres ». En effet, non seulement leur emploi est quantitativement limité par rapport à l’épigraphie médiévale, mais, dans les inscriptions romaines, les conjonctions présentent des formes généralement simples qui ne concernent pas plus de deux lettres voisines (de façon tout à fait exceptionnelle trois ou plus) par le partage d’un trait en commun. En outre, elles ne répondent pas à une instance relative au goût, mais plutôt à des exigences de nature éminemment économique et fonctionnelle. En somme, elles sont là pour remédier au manque d’espace.

13Tout cela est certainement recevable, de façon générale. Mais cela ne l’est pas dans l’absolu, si l’on considère non plus l’épigraphie romaine comme une généralité abstraite, mais le corpus épigraphique romain-britannique24 dans lequel, contrairement aux corpora des autres province romaines, il n’est pas du tout rare de rencontrer des exemples d’inscriptions dans lesquelles des groupes de lettres (trois, quatre, cinq parfois) forment des figures monogrammatiques, tellement entrelacées qu’au premier coup d’œil, elles rappellent davantage l’écriture médiévale que celle de l’Antiquité romaine. Essayons d’en analyser quelques exemples en précisant toutefois qu’à la place des quatre échantillons étudiés ici, nous aurions pu indifféremment sélectionner, dans le recueil Roman Inscriptions of Britain, des dizaines de cas analogues et tout aussi représentatifs, ce qui montre bien que les faits graphiques ici décrits n’ont rien d’exceptionnel.

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Fig. 1 : Exemples d’inscriptions romaines présentant des conjonctions, rapprochements et enclavements. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

14Durant l’analyse des caractéristiques paléographiques de ce premier exemple (fig. 1), ce qui frappe au premier coup d’œil, par comparaison avec l’épigraphie des autres provinces de l’Empire, c’est la lisibilité très limitée de ces textes épigraphiques, due à la présence d’une série de facteurs concomitants. Remarquons avant tout une suite serrée de conjonctions, mais aussi d’enclavements, d’entrelacements, de greffes et de rapprochements. Prenons l’écriture du cippe (fig. 1a) provenant de Bremetennacum, maintenant Ribchester25 : quatre conjonctions « simples » à la ligne 1 (al et vt) et à la ligne 2 (et ri) ; ensuite, à la ligne 3, dans les mots invicti et imp(eratori) tous les i, de module plus petit, sont greffés au sillon de la lettre qui précède ou qui suit ; en outre, le m et le a sont superposés et le m est conjoint au r ; à la ligne 4 dans avr(eli) , le a est conjoint au v et le r est rapproché de ce dernier ; en outre, dans sever(i), le s se superpose au e, le r est conjoint au E inversé et dans ant de Antonini le n et le t sont conjoints ; à la ligne 5, les lettres ninip de Antonini P(ii) forment une conjonction unique, avec les i greffés, comme etivl pour et Iul(iae), tandis qu’à la ligne suivante, on remarque la conjonction des lettres matri, avec un r dépourvu de haste.

15Dans l’autel au dieu Arciacus provenant de York26 (fig. 1b), outre les phénomènes analogues à ceux que nous venons de décrire, on remarque le rapprochement du i au c précédent, au point d’en fermer la courbe, obtenant une forme semblable au d inversé : une solution graphique qui, comme nous le verrons, a connu une continuité dans l’épigraphie post-romaine. En outre, on remarque l’enclavement régulier du o de petit module dans le c ou le g précédents, mais aussi du i dans le t et le l, et dans la dalle de dédicace provenant de Bremenium (High Rochester)27, deux s spéculaires qui forment une sorte de 8 dans le mot [for]tissimi (fig. 1c). Nous pourrions nous arrêter sur de nombreux autres détails, mais ceux que nous avons illustrés sont suffisamment éloquents ; ce qui compte, pour notre démonstration, c’est la présence, dans l’épigraphie de la Britannia romaine, de phénomènes qui peuvent sans difficulté être assimilés à la catégorie des jeux de lettres. Un phénomène qui n’a, jusqu’à présent, pas retenu l’attention qu’il mérite par rapport au reste de l’épigraphie romaine. Il serait ardu d’établir à quel principe il faut attribuer une telle particularité, mais, face à une si grande conscience, une option de nature esthétique ne doit pas être exclue. Il s’agit d’ailleurs, comme on le voit dans l’inscription dédicatoire de Habitancum (Risingham)28 (fig. 1d), d’un type d’écriture utilisée non seulement pour les inscriptions funéraires et votives, appartenant à la sphère de l’épigraphie privée, mais aussi dans la sphère publique, que l’on pourrait définir « officielle ».

16Si les inscriptions que nous avons décrites présentent un niveau d’exécution remarquable, aussi bien dans le rendu graphique que dans la mise en page, d’autres inscriptions (fig. 2), d’un niveau plus modeste et probablement dues à des commanditaires plus humbles, montrent une adhésion substantielle au goût pour l’entrelacs graphique, mais selon des modalités moins sophistiquées. Appartiennent à cette série un nombre important de pierres miliaires, d’autels votifs, de bornes funéraires et de simples « buildingstones » répartis sur tout le territoire de la Britannia romaine et généralement datés ou datables des iiie et ive siècles.

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Fig. 2 : Exemples d’inscriptions romaines de bas niveau de réalisation présentant des rapprochements de lettres. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

17Dans toutes ces inscriptions, les conjonctions n’ont certes pas disparu – par exemple les lettres val à la ligne 1 dans RIB 2249 et les lettres vlma dans RIB 345 (fig. 2 a, b) –, mais elles sont beaucoup moins complexes et se limitent essentiellement aux lettres a, m, n, v ; le phénomène qui, dans cette production épigraphique « mineure », reçoit en revanche une forte impulsion est celui des rapprochements de lettres. Ils sont de deux types : le type que forment le c et le i (voir Vindicianus dans RIB 721, fig. 2c), et le type formé d’une autre lettre dotée d’une haste verticale (par exemple le t dans RIB 191, fig. 2d).

18Le premier type de rapprochement est caractéristique de la production de faible niveau, surtout tardive, et consiste à faire coïncider le point de sortie d’une lettre avec le point d’attaque de la suivante, de façon à donner lieu à de véritables chaînes graphiques, formées par plusieurs lettres consécutives. Par exemple, dans RIB 786 (fig. 2e), tvl à la ligne 3, iv à la ligne 4, ca à la ligne 5 ; dans RIB 2249 (fig. 2 a) st à la ligne 1, an à la ligne 2. Remarquons que, pour obtenir ou favoriser un tel résultat, on peut donner à chaque lettre une inclinaison tantôt à droite tantôt à gauche. À tout ceci s’ajoutent d’autres faits graphiques (fig. 3 a, b, c) moins fréquents mais significatifs, comme par exemple le retournement et l’inversion de lettres telles que le d (fig. 3c, RIB 2263) le a, le e, et le i, cette dernière étant attestée avec le e typique de la cursive ancienne dans une defixio (fig. 3a, RIB 221).

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Fig. 3 : Exemples d’inscriptions romaines présentant des retournements et inversions de lettres. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

19Même si, dans le premier et le deuxième groupe, les phénomènes observés diffèrent en ce qui concerne la technique, on voit apparaître dans les deux cas une recherche de combinaison entre les lettres suggérant, dans sa perception du moins, que l’écriture est avant tout un élément figuratif. En somme, on voit apparaître dans ces derniers exemples d’écriture épigraphique, bien que de façon plus naïve, le même goût pour la combinaison des formes graphiques que dans les exemples précédents, ce qui implique une attitude – une mentalité – à l’égard de l’écriture qui n’est pas tout à fait en accord avec la tendance générale de la culture romaine et de l’antiquité tardive.

Prolongations médiévales insulaires

20On trouve une attitude tout à fait semblable dans l’épigraphie britannique post-romaine, constituée de 170 inscriptions conservées et d’une vingtaine de témoins transmis par des sources secondaires, tous funéraires, datables entre le ve et le début du viie siècle et répartis entre le Pays de Galles, l’Angleterre du Sud-Ouest (Cornouailles, Devon, Somerset) et l’Écosse méridionale29. Ces régions n’ont pas été touchées par l’occupation anglo-saxonne au ve siècle et sont restées pendant des siècles sous le contrôle des tribus celto-britanniques ou sont entrées dans l’orbite des tribus irlandaises (pour certaines zones côtières du Pays de Galles, de Cornouailles et d’Écosse). Sans considérer les particularités matérielles, qui mériteraient un traitement séparé et n’intéressent pas spécifiquement nos propos, une des principales caractéristiques, du point de vue paléographique, du corpus épigraphique britannique post-romain est constituée justement par les « jeux de lettres » ; jeux faits de conjonctions, d’enclavements, d’encastrements, de rapprochements, de ligatures, mais aussi de formes alphabétiques renversées ou inversées et de lettres dont la morphologie a été modifiée par rapport à l’originale.

21Prenons l’inscription de Senacus à Aberdaron30, dans le Gwynedd, datable entre la fin du ve et la première moitié du vie siècle et présentée sur la surface d’une pierre dépourvue de toute préparation (fig. 4). Ici, la recherche raffinée de la conjonction entre les signes graphiques va jusqu’à la création de chaînes de six lettres à la ligne 4 (cvmmvl), de quatre lettres à la ligne 5 (inem), réalisées au moyen de conjonctions et de rapprochements.

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Fig. 4 : Aberdaron, Gwynedd, église paroissial de St-Hywyn, inscription du prêtre Senacus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

22Ce goût particulier, nous le relevons dans bien d’autres exemples, parmi lesquels on peut citer celui de l’inscription de Mathry31 (fig. 5), dans le Pembrokeshire, contemporaine de la précédente. Ici, le lapicide a réalisé, avec une intentionnalité évidente, une série de rapprochements : du c au v (ligne 1), du i au v (ligne 2), encore du c au a et du t au i (ligne 3), et enfin des deux v de la ligne 4. Dans tous les cas, on ne remarque aucun effort pour favoriser la lisibilité, mais pour créer un effet optique de « concaténation », correspondant à un choix esthétique précis.

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Fig. 5 : Mathry, Pembrokeshire, inscription de [Mac]cudiccl[us], fils de Caticuus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

23Dans ces premiers exemples, l’épigraphie britannique s’éloigne déjà assez nettement de la pratique épigraphique romaine, avec le choix de supports constitués de pierres utilisées à l’état naturel. Par la suite, l’éloignement sera encore plus évident, impliquant même la mise en page, qui ne sera plus disposée sur des lignes horizontales, mais verticales, selon une modalité qui montre indubitablement une influence du modèle épigraphique irlandais-ogamique et qui exprime déjà en soi une attitude profondément anticlassique32. Du point de vue graphique, aux conjonctions et aux rapprochements, déjà connus dans l’épigraphie romaine, s’ajoutent des éléments issus de la tradition minuscule, par exemple des lettres minuscules comme d, g, h, p, q, r, s, u, des ligatures d’origine cursive fi et li, largement attestées grâce à la présence continue du terme filius dans le formulaire funéraire et enfin des inversions de lettres.

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Fig. 6 : Ystradfellte, Breconshire, inscription de Deruacus, fils de Iustus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

24Quelques exemples concrets nous permettront de mieux comprendre (fig. 6). Prenons celle qu’on appelle Maen Madoc33 (en gallois « pierre de Madoc »), dans le Brecon Beacons (Pays de Galles méridional), dont le texte donne : dervaci filivs |ivsti ic iacit. On y trouve le d et le s inversés ; le a et le t renversés, les i horizontaux, le l incliné pour faire correspondre le point d’attaque de la haste avec le prolongement du i précédent ; en outre, les ligatures fi et li dans filius ; et enfin le I avec un trait final horizontal. Un autre exemple (fig. 7) est celui de l’inscription de la ferme Gesail Gyfarch34, près du village de Penmorfa, dans le Caernarfonshire. Sur les trois lignes d’écriture, où on lit fili cvnalipi | cvnaci iacit | [….] beccvri, nous rencontrons la ligature fi, le rapprochement de c à v (lignes 1 et 2), les conjonctions na (ligne 1 et 2) et vr (ligne 3).

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Fig. 7 : Penmorfa, Gwynedd, ferme Gesail Gyfarch, inscription de Cunalipus, fils de Cunacus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

25Prenons un troisième et dernier exemple (fig. 8), avec l’inscription de la ferme Bosworgey, près de St-Columb Major en Cornouailles35 : dovithi ic | filivs docisc[i]. Ici, outre les i horizontaux qui nous sont désormais familiers, nous reconnaissons le l de fili incliné, le rapprochement du i au c précédent au point d’en fermer la courbe et le s de module majeur qui montre la tendance à fermer les panses, en formant une sorte de 8.

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Fig. 8 : St-Columb Major, Cornouailles, ferme Bosworgey, inscription de Dovithus, fils de Dociscus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

26En même temps, au cours du vie siècle, outre la permanence de tous les phénomènes déjà cités, on voit déjà apparaître et se consolider progressivement des formes alphabétiques complètement neuves, jamais expérimentées dans le cadre de la culture graphique latine. Il s’agit de lettres dont les courbes sont remplacées par des traits angulaires ou qui affichent en tout cas une prédilection pour l’angulosité et la géométrisation : dans ce contexte voient le jour le a à traverse brisée, le c carré, les h, n et t minuscules à panse anguleuse et surtout le m sous une forme très caractéristique, que j’ai appelée « en trident » et le n en forme de h. Mais voyons quelques exemples concrets de ce type d’inscriptions sous forme d’un petit dossier documentaire accompagné du signalement des phénomènes graphiques les plus intéressants.

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Fig. 9 : Margam, Glamorganshire, Abbey Museum, inscription de Boduocus, fils de Catotigirnus Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

27Margam Abbey, Glamorganshire (fig. 9) - Tedeschi, Congeries, Gse 13; A Corpus, I, G 77.

bodvoci hic iacit
fili catotigirni
pronepvs eternali
vedomali

Phénomènes graphiques marquants :

28ligne 1 : i horizontal, h minuscule avec une haste munie d’un trait d’attaque à peine plus haut que l’anse anguleuse ; ligne 2 : ligatures fi et li, a renversé ; ligne 3 : r avec trait final horizontal, ligature li.

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Fig. 10 : Tregony, Cornouailles, église de St-Cuby, inscription de Nonnita, Ercilivus et Ricatus, enfants de Ercilingus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

29Tregony, Cournouailles (fig. 10) - Tedeschi, Congeries, C-31

nonnita
ercilivi
ricati tris fili
ercilingi

Phénomènes graphiques marquants :

30ligne 1 : n avec traverse horizontale, a renversé ; ligne 2 : ligature li, v renversé ; ligne 3 : ligatures fi et li ; ligne 4 : ligature li, n avec traverse horizontale, g minuscule.

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Fig. 11 : Tavistock, Devon, jardin du vicariat, inscription de Sabinus, fils de Maccodechetus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

31Tavistock, Devonshire (fig. 11) - Tedeschi, Congeries, DSD-14

sabini fili
maccodecheti

32Phénomènes graphiques marquants :

33ligne 1 : a avec traverse brisée, i horizontal en fin de mot (Sabini e fili), ligature fi ; ligne 2 : M en trident, a avec traverse brisée, h minuscule avec panse anguleuse et trait complémentaire à la droite de l’haste.

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Fig. 12 : Morvah, Cornouailles, Mên Scryfa, inscription de Rialobranus, fils de Cunovalus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

34Mên Scryfa, Cornouailles (fig. 12) - Tedeschi, Congeries, C-16

rialobrani
cvnovali fili

Phénomènes graphiques marquants :

35ligne 1 : dans le r, le deuxième et le troisième traits sont unis en un trait unique se terminant sur la ligne d’écriture et donnant lieu à une forme qui rappelle celle du r dans la « majuscule insulaire » ; sur la même ligne, on observe un deuxième r avec boucle fermée et trait final complètement horizontal ; ligne 2 : n avec traverse horizontale.

36Une phase ultérieure et définitive est représentée par des inscriptions que l’on peut situer chronologiquement dans le courant du premier quart du viie siècle, où l’on assiste à une sélection définitive des variantes graphiques modifiées dans un sens géométrique, présentes jusque-là de façon intermittente ; un processus qui donne lieu à une écriture fortement caractérisée, dont l’aspect est maintenant consolidé, proche de la canonisation.

37Parmi les inscriptions les plus représentatives de cette phase, nous n’en citerons que trois : Llanfihangel Cwmdu (fig. 13) et Llanilterne (fig. 14) au Pays de Galles, St-Endellion (fig. 15) en Cornouailles. On remarquera les A avec leur barre transversale brisée (comme celle rencontrée précédemment dans Gse-13 e DSD-14) et – fait nouveau – un trait de couronnement ou le prolongement des traits extérieurs vers le haut jusqu’à former une sorte de x ; un phénomène analogue à ce dernier est repérable pour le v ; le c, le h, le t sont carrés ; le r présente un dernier trait dirigé vers le haut ; le s présente des panses tellement développées qu’elles se ferment en 8 ; les n sont en forme de h ; on observe en outre les ligatures désormais familières fi etli et plusieurs rapprochements.

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Fig. 13 : Llanfihangel Cwmdu, Breconshire, église de St-Michel Archange, inscription de Catacus, fils de Tegernacus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

38Llanfihangel Cwmdu, Breconshire (fig. 13) – Tedeschi, Congeries, Gse-6, A Corpus, I, B 23.

catacvs hic iacit
filivs tegernacvs

39Phénomènes graphiques marquants :

40ligne 1 : c anguleuse (Catacus e iacit), a avec traverse brisée et traits obliques prolongés au-delà du sommet, t minuscule anguleuse, v avec traits prolongés au-delà du point de jonction, s avec panses presque fermées, formant un 8, h minuscule avec panse anguleuse ; ligature li, v avec traits prolongés au-delà du point de jonction, s et t comme ci-dessus, g minuscule, r avec trait final orienté vers le haut, n avec traverse horizontale, c anguleuse, s inversé avec panse presque fermée, formant une sorte de 8.

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Fig. 14 : Llanilltern, Glamorganshire, église de St-Illtyd, inscription de Vendumaglus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

41Llanilltern, Glamorganshire (fig. 14) - Tedeschi, Congeries, Gse-7, A Corpus, I, G 119.

endvmagli
hic iacit

42Phénomènes graphiques marquants :

43En général, utilisation d’importants élargissements en spatule semblables aux extrémités à empattement triangulaire typiques de la tradition graphique insulaire. Ligne 1 : e rond, d minuscule avec élargissements en spatule des extrémités de la haste, m de type onciale, a avec traverse brisée, g minuscule, l avec expansion en spatule à la hauteur de l’extrémité supérieure de la haste, i horizontal en fin de ligne ; ligne 2 : h minuscule avec expansion en spatule à la hauteur de l’extrémité supérieure de la haste, t minuscule avec trait inférieur anguleux, rapprochements ci et it.

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Fig. 15 : St-Endellion, Cornouailles, inscription de Brocagnus. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

44St-Endellion, Cornouailles (fig. 15) - Tedeschi, Congeries, C-24.

+ brocagni hic iacit
cia[. . .]t[.] f[- - -]

45Phénomènes graphiques marquants :

46ligne 1 : r minuscule, c et n anguleux, a muni de couronnement triangulaire, t muni aux extrémités de renforcements en spatule, c fermée par la lettre suivante, i, dans ihc et iacit.

47Dans toutes ces inscriptions le goût pour le jeu graphique a atteint une forme de raffinement considérable, ce qui est confirmé également par la plus célèbre des inscriptions galloises appartenant à cette phase, l’épitaphe du roi de Gwynedd Cadfan36 (fig. 16), qui date de 625 ou peu avant. Ici, des lettres dérivées du modèle minuscule, des capitales géométrisées et onciales se retrouvent associées les unes aux autres, de façon à constituer un amalgame très efficace du point de vue graphique. La graphie illustre le degré d’évolution atteint par l’écriture lapidaire britannique immédiatement avant ou simultanément à la canonisation de la majuscule insulaire livresque. Elle partage en effet de nombreux traits avec la capitale d’apparat : le a avec un premier trait descendant sous la ligne d’écriture, le m avec trois traits verticaux traversés au centre par une barre horizontale, version plus élaborée du m « en trident » (cette dernière est utilisée dans omnium et regum), le n avec traverse horizontale en forme de h, le r avec un long trait sinueux horizontal, le g minuscule. Ce qui frappe avant tout, plus encore que les signes individuels, c’est la grande liberté avec laquelle le lapicide combine ces lettres entre elles, donnant lieu à des rapprochements, des inclusions, des ligatures qui, d’un côté, rappellent le goût expérimental de l’épigraphie britannique depuis l’époque romaine, et qui de l’autre reflètent les expérimentations qui voyaient le jour à la même époque dans la culture graphique insulaire.

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Fig. 16 : Llangadwaladr, Anglesey, inscription du roi Cadfan de Gwynedd. Cliché reproduit avec l’aimable autorisation d’Haverfield Bequet (voir l’image au format original)

48L’écriture de ces trois dernières épigraphes représente l’antécédent immédiat des écritures d’apparat employées dans les codices insulaires à partir de la seconde moitié du viie. S’il est vrai que la datation des inscriptions ne dépasse pas le premier quart du viie siècle, leur écriture représente donc le substrat dans lequel les scribes insulaires ont puisé pour élaborer ce qu’on appelle l’Insular decorative capital37. Cette évolution suggère, soit dit en passant, de redimensionner tout à fait le rôle jusqu’à présent universellement attribué (au point d’être entré dans les manuels) aux runes dans le processus de géométrisation de la capitale, et de réfléchir plutôt à l’influence des régions de la Britannia celtique dans la formation de la culture graphique insulaire.

Conclusion

49Pour conclure cet itinéraire qui, parti du continent, s’est prolongé dans les îles britanniques, il conviendrait de revenir sur le continent en pensant avoir acquis de nouvelles certitudes en ce qui concerne l’histoire des « jeux de lettres », pouvoir montrer que cette façon de penser l’écriture et de traiter conséquemment les formes alphabétiques, née loin de la sensibilité méditerranéenne, au sein de la culture britannique à l’époque romaine et post-romaine, a poursuivi son chemin vers le continent au cours des premiers siècles du haut Moyen Âge. Le chemin ne pourrait être que celui parcouru par les moines, irlandais d’abord, puis anglo-saxons, marqué par les célèbres centres d’écriture français, suisses, italiens et allemands où, dès le début du viie siècle, affluèrent, en même temps que de nombreux manuscrits insulaires, des modèles d’écriture prêts à être imités. Mais ce qu’on aime dans l’histoire – et dans l’histoire culturelle en particulier – c’est justement l’imprévisibilité de ses parcours, toujours plus complexes que ce que nous pouvons imaginer, et je dirais même la partialité des données qu’elle nous fournit, qui nous oblige à émettre des hypothèses plus ou moins vraisemblables et rarement à affirmer des certitudes.

50Les mille morceaux du puzzle que nous avons manipulées jusqu’à présent ne suffisent pas pour composer un tableau complet ; il reste beaucoup de doutes non résolus, mais il était nécessaire d’attirer l’attention sur des faits graphiques qui jusqu’à présent ont rarement été pris en considération, voire complètement ignorés. Cela servira au moins à réfléchir sur le fait que certains phénomènes, habituellement considérés comme typiquement médiévaux, ont des racines bien plus anciennes, à rechercher dans la réalité provinciale multiforme de l’Empire romain. Cela servira aussi, avec cette fois une nouvelle optique, à susciter la curiosité des spécialistes quant à l’importance de la contribution des îles britanniques à l’histoire culturelle du continent européen.

Documents annexes

Notes

1 L’expression « jeux-de-lettres » a été introduite suite à la publication de l’édition française d’Armando Petrucci, Jeux de lettres. Formes et usage de l’inscription en Italie, 11e-20e siècle, trad. de l’italien par Monique Aymard, Paris, Éditions de l’EHESS, 1993. Pour une contribution récente, voir Estelle Ingrand-Varenne, « L’écriture en jeu et enjeux d’écriture dans la pratique épigraphique française », in Homo ludens homo loquens : el juego y la palabra en la edad media, Madrid, UAM Ediciones 2013, p. 345-360.

2 Patricia Stirnemann, Marc Smith, « Forme et fonction des écritures d’apparat dans les manuscrits latins (viiie-xve siècle) », Bibliothèque de l’École des chartes, 165 (2007), p. 67-100.

3 Nicolete Gray, « The Palaeography of Latin Inscriptions in the Eighth, Ninth and Tenth Centuries in Italy », Papers of the British School at Rome, 16 (1948), p. 38-162.

4 Voir Corpus inscriptionum medii aevi Helvetiae, II, Die Inschriften der Kantone Freiburg, Genf, Jura, Neuburg und Waad, ges. und bearb. von Christoph Jörg, Freiburg 1984, n° 46 (Grabstein der Nonne Eufraxia), pl. 21 et pl. 47 (Grabstein der Landoalda), pl. 22.

5 Walter Koch, « Insular Influences in Inscriptions on the Continent », dans Roman Runes and Ogham. Medieval Inscriptions in the Insular World and on the Continent, éd. John Higgit, Katherine Forsyth, David N. Parsons, Donington, Shaun Tyas 2001, p. 148-157, p. 150; Id., Inschriftenpaläographie des abendländischen Mittelalters und der früheren Neuzeit, 1, Früh- und Hochmittelalter, Vienne-Munich, R. Oldenbourg Verlag 2007, (Oldenbourg Historische Hilfswissenschaften), p. 62-63.

6 Walburg Boppert, Die frühchristlichen Inschriften des Mittelrheingebietes, Mainz am Rhein, Philipp von Zabern 1971, p. 24-26, pl. 40.

7 Boppert, Die frühchrtlichen Inschriften, p. 155-159 (Aldualuhus-Stein); Die Inschriften des Stadt Worms, ges. und bearb. von Rüdiger Fuchs, Wiesbaden, Reichert Verlag 1991 (Die deutschen Inschriften, 29), n. 4, pl. 1, http://www.inschriften.net/zeige/suchergebnis/treffer/set/0/nr/di029-0004.html#content.

8 Koch, « Insular influences », p. 153-154.

9 Boppert, Die frühchrtlichen Inschriften, p. 108-118 (Bertichildis-Stein).

10 Nancy Gauthier, Recueil des inscriptions chrétiennes de la Gaule antérieures à la Renaissance carolingienne, publié sous la dir. de Henri Irénée Marrou, I, Première Belgique, Paris, Éditions du CNRS 1975, I, 29 A. À côté des lettres carrées c et s, signalées par Koch comme « traces » possibles de culture graphique insulaire (Koch, « Insular influences », p. 155), dans cette inscription, provenant de la nécropole de Saint-Mathias et conservée dans la bibliothèque du monastère, on trouvera un autre indicateur très suggestif, à savoir le v de pius, l. 5, avec ses traits prolongés vers le bas, formant une sorte de x ; il s’agit de toute évidence d’une forme typique des écritures insulaires épigraphiques et libraires d’apparat (v. ci-dessous).

11 Voir ci-dessus, note 5.

12 Cécile Treffort, Mémoires carolingiennes. L’épitaphe entre célébration mémorielle, genre littéraire et manifeste politique (milieu viiie-début xie siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes 2007, p. 134, 333 ; Koch, Inschriftenpaläographie, p. 60, ill. 29.

13 Corpus des inscriptions de la France médiévale (dorénavant CIFM), 24, Maine-et-Loire, Mayenne, Sarthe (région Pays de la Loire), textes établis et présentés par Vincent Debiais avec la collaboration de Robert Favreau, Jean Michaud, Cécile Treffort, Paris, CNRS Éditions 2010, n. 78. Deux autres inscriptions qui partagent des caractéristiques similaires du point de vue paléographique sont celles de Balthadus et Ermdramnus, respectivement ibid. n. 79 et 81.

14 Treffort, Mémoires, p. 129-130, ill. 39.

15 CIFM 1, n. 9 ; Treffort, Mémoires, p. 128, ill. 27.

16 CIFM 7, Ville de Toulouse, Textes établis et présentés par Robert Favreau, Jean Michaud, Bernadette Leplant, Paris, CNRS Éditions 1982, n. 43.

17 Treffort, Mémoires, p. 154.

18 Stirnemann, Smith, « Forme et fonction », p. 80-82.

19 Ildar Garipzanov, Late Antique Monograms and Early Medieval Decorated Manuscripts, relation prononcée lors du congrès international Graphic Composition and Monogrammatic Initials in the Early Medieval Illuminated Book: Origins and Functions, Rome, The Norwegian Institute in Rome, 7-8 May 2015. Les résultats du congrès ont été publiés dans le volume Graphic Devices and the Early Docorated Book, éd. Michelle Brown, Ildar Garipzanov, Benjamin C. Tilghman, Woodbridge, Boydell & Brewer 2017, à paraître (Boydell Studies in Medieval Art and Architecture).

20 Koch, « Insular Influences » ; Id, Inschriftenpaläographie, p. 98-101.

21 Julian Brown, « Tradition, Imitation and Invention in Insular Handwriting of the Seventh and Eighth Centuries », in A Palaeographer’s View. The Selected Writings of Julian Brown, éd. Janet Bately, Michelle P. Brown, Jane Roberts, London, Harvey Miller Publishers 1993, p. 179-200: 186-188; Id., « The Oldest Irish Manuscripts and Their Late Antique Background », in A Palaeographer’s View, p. 221-242: 230-232.

22 L’expression est empruntée à Paul Saenger, Space between Words. The Origin of Silent Reading, Stanford, California, Stanford University Press 1997 (Figurae. Reading Medieval Culture).

23 Stirnemann, Smith, « Forme et fonction », p. 82 ; Ingrand-Varenne, « L’écriture en jeu », p. 349.

24 Les inscriptions romaines de la Britannia sont rassemblées dans Robin G. Collingwood, Richard P. Wright, The Roman Inscriptions of Britain, I, Inscriptions on Stone, Oxford, Clarendon Press 1965 (dorénavant RIB) ; deux autres volumes ont été ajoutés, avec corrections et addenda, et publiés successivement, entre 1990 et 2009, sous la direction de Sheppard S. Frere, Margaret Roxan et Roger S. O. Tomlin. Tout le corpus des inscriptions romaines britanniques est désormais disponible sur le site : https://romaninscriptionsofbritain.org/

25 RIB 590.

26 RIB 640.

27 RIB 1282.

28 RIB 1234, datant des années 205-208.

29 Les inscriptions post-romaines de la Grande-Bretagne bénéficient d’une très longue tradition d’études, qui remonte à l’ère élisabéthaine, quand William Camden en inclut un certain nombre dans son Britannia. Au cours du xxe siècle, plusieurs éditions ont vu le jour : Robert Alexander Stewart Macalister, Corpus Inscriptionum Insularum Caelticarum, I-II, Dublin, Stationery Office 1945-1949, qui rassemble toutes les inscriptions connues jusqu’alors en Grande-Bretagne et en Irlande ; Victor Nash Williams, Early Christian Inscriptions of Wales, Cardiff, University of Wales Press 1950 ; Elisabeth Okasha, Corpus of Early Christian Inscribed Stones of South-West Britain, London, Leicester University Press (Studies in the Early History of Britain); Carlo Tedeschi, Congeries lapidum. Iscrizioni britanniche dei secoli V-VII, Pisa, Scuola Normale Superiore 2005 ; A Corpus of Early Medieval Inscribed Stones and Stone Sculpture in Wales, I, South-East Wales and the English Border, eds. John M. Lewis, Mark Redknap, II, South-West Wales, ed. Nancy Edwards, III, North Wales, ed. ead., Cardiff, University of Wales Press 2007-2013. Pour les inscriptions galloises on se réfèrera aux éditions Tedeschi et Lewis-Redknap (respectivement pour le Pays de Galles sud-oriental) et Edwards (pour le Pays de Galles sud-occidental et septentrional) ; pour les inscriptions de l’Angleterre sud-occidentale et de l’Écosse, à l’unique édition Tedeschi.

30 senacvs / prsb / hic iacit / cvm mvltitv / dinem / fratrvm. Tedeschi, Congeries, Gn-1 ; A Corpus, III, CN 1.

31 cvdiccl[i] / filivs / catic / vvs. Tedeschi, Congeries, G-so 37; A Corpus, II, P 60.

32 À ce propos, voir Tedeschi, Congeries, p. 19-22.

33 Tedeschi, Congeries, Gse-10; A Corpus, I, B 50.

34 Tedeschi, Congeries, Gn-35; A Corpus, III, CN 17.

35 Tedeschi, Congeries, C-23.

36 Tedeschi, Gn-25; A Corpus, III, AN 26.

37 John Higgitt, « The Display Script of the Book of Kells and the Tradition of Insular Decorated Capitals », in Felicity O’Mahony, ed., The Book of Kells. Proceedings of a Conference at Trinity College, Dublin, 6-9 September 1992, Aldershot, Scholar Press for Trinity College Library Dublin, 1994, p. 209-233.

Pour citer ce document

Par Carlo Tedeschi, «Histoire et préhistoire des « jeux de lettres »», In-Scription: revue en ligne d'études épigraphiques [En ligne], Première livraison, Livraisons, mis à jour le : 01/03/2022, URL : https://in-scription.edel.univ-poitiers.fr:443/in-scription/index.php?id=196.

Quelques mots à propos de :  Carlo Tedeschi

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